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    attablés dans une chambre, ayant à portée de la main deux ver-
    res et une bouteille de raki, violent alcool tiré de l asphodèle.
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    Des cigarettes du blond et parfumé tabac de Missolonghi furent
    roulées, allumées, aspirées ; puis, la conversation commença
    entre ces deux hommes, dont l un se faisait volontiers le très
    humble serviteur de l autre.
    Mauvaise physionomie, basse, cauteleuse, intelligente tou-
    tefois, que celle de Skopélo. S il avait cinquante ans, c était tout
    juste, bien qu il parût un peu plus âgé. Une figure de prêteur sur
    gages, avec de petits yeux faux mais vifs, des cheveux ras, un nez
    recourbé, des mains aux doigts crochus, et de longs pieds, dont
    on aurait pu dire ce que l on dit des pieds des Albanais : « Que
    l orteil est en Macédoine quand le talon est encore en Béotie. »
    Enfin, une face ronde, pas de moustaches, une barbiche grison-
    nante au menton, une tête forte, dénudée au crâne, sur un corps
    resté maigre et de moyenne taille. Ce type de juif arabe, chrétien
    de naissance cependant, portait un costume très simple  la
    veste et la culotte du matelot levantin  caché sous une sorte de
    houppelande.
    Skopélo était bien l homme d affaires qu il fallait pour gérer
    les intérêts de ces pirates de l Archipel, très habile à s occuper
    du placement des prises, de la vente des prisonniers livrés sur
    les marchés turcs et transportés aux côtes barbaresques.
    Ce que pouvait être une conversation entre Nicolas Starkos
    et Skopélo, les sujets sur lesquels elle devait porter, la façon
    dont les faits de la guerre actuelle seraient appréciés, les profits
    qu ils se proposaient d y faire, il n est que trop facile de le préju-
    ger.
    « Où en est la Grèce ? demanda le capitaine.
     À peu près dans l état où vous l aviez laissée, sans doute !
    répondit Skopélo. Voilà un bon mois environ que la Karysta
    navigue sur les côtes de la Tripolitaine, et probablement, depuis
    votre départ, vous n avez pu en avoir aucune nouvelle !
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     Aucune, en effet.
     Je vous apprendrai donc, capitaine, que les vaisseaux
    turcs sont prêts à transporter Ibrahim et ses troupes à Hydra.
     Oui, répondit Nicolas Starkos. Je les ai aperçus, hier soir,
    en traversant la rade de Navarin.
     Vous n avez relâché nulle part depuis que vous avez quit-
    té Tripoli ? demanda Skopélo.
     Si& une seule fois ! Je me suis arrêté quelques heures à
    Vitylo& pour compléter l équipage de la Karysta ! Mais, depuis
    que j ai perdu de vue les côtes du Magne, il n a jamais été ré-
    pondu à mes signaux avant mon arrivée à Arkadia.
     C est que probablement il n y avait pas lieu de répondre,
    répliqua Skopélo.
     Dis-moi, reprit Nicolas Starkos, que font, en ce moment,
    Miaoulis et Canaris ?
     Ils en sont réduits, capitaine, à tenter des coups de main,
    qui ne peuvent leur assurer que quelques succès partiels, jamais
    une victoire définitive ! Aussi, pendant qu ils donnent la chasse
    aux vaisseaux turcs, les pirates ont-ils beau jeu dans tout
    l Archipel !
     Et parle-t-on toujours de ?&
     De Sacratif ? répondit Skopélo en baissant un peu la voix.
    Oui !& partout& et toujours, Nicolas Starkos, et il ne tient qu à
    lui qu on en parle encore davantage !
     On en parlera ! »
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    Nicolas Starkos s était levé, après avoir vidé son verre que
    Skopélo remplit de nouveau. Il marchait de long en large ; puis,
    s arrêtant devant la fenêtre, les bras croisés, il écoutait le gros-
    sier chant des soldats turcs qui s entendait au loin. Enfin, il re-
    vint s asseoir en face de Skopélo, et, changeant brusquement le
    cours de la conversation :
    « J ai compris à ton signal que tu avais ici un chargement
    de prisonniers ? demanda-t-il.
     Oui, Nicolas Starkos, de quoi remplir un navire de quatre
    cents tonneaux ! C est tout ce qui reste du massacre qui a suivi
    la déroute de Crémmydi ! Sang-Dieu ! les Turcs ont un peu trop
    tué, cette fois ! Si on les eût laissés faire, il ne serait pas resté un
    seul prisonnier !
     Ce sont des hommes, des femmes ?
     Oui, des enfants !& de tout, enfin !
     Où sont-ils ?
     Dans la citadelle d Arkadia.
     Tu les as payés cher ?
     Hum ! le pacha ne s est pas montré très accommodant,
    répondit Skopélo. Il pense que la guerre de l Indépendance tou-
    che à sa fin& malheureusement ! Or, plus de guerre, plus de
    bataille ! Plus de bataille, plus de razzias, comme on dit là-bas
    en Barbarie, plus de razzias, plus de marchandise humaine ou
    autre ! Mais, si les prisonniers sont rares, cela les fait hausser de
    prix ! C est une compensation, capitaine ! Je sais de bonne
    source qu on manque d esclaves, en ce moment, sur les marchés
    d Afrique, et nous revendrons ceux-ci à un prix avantageux !
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     Soit, répondit Nicolas Starkos. Tout est-il prêt et peux-tu
    embarquer à bord de la Karysta ?
     Tout est prêt et rien ne me retient plus ici.
     C est bien, Skopélo. Dans huit ou dix jours, au plus tard,
    le navire, qui sera expédié de Scarpanto, viendra prendre cette
    cargaison.  On la livrera sans difficulté ?
     Sans difficulté, c est parfaitement convenu, répondit Sko- [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]
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